À découvrir

Partie II : L’alternance à l’épreuve du discernement : Porter les stigmates d’un état


L’alternance à l’épreuve du discernement Partie II

Mohamed Dadi (*)


Porter les stigmates d’un état

Je suis fatigué de cette association incestueuse, on nous associe à l’état. Oui, on peut discuter de tout, néanmoins, on ne peut faire l’économie d’arguments rationnels. Tous les Algériens, sans distinction de race, de langue ou de région de naissance ont souffert des abus du pouvoir. Personne ne détient le monopole de la souffrance des affres de ce pouvoir. Personne ne peut distribuer des étiquettes à l’emporte-pièce pour s’offrir des raccourcis mentaux douteux. Nous sommes tous dans cette contrée à l’hiver éternel, pour les mêmes raisons, notre désapprobation de l’injustice du pouvoir et notre quête de liberté. 

Il est triste de constater que le stratagème du peuple élu trouve des adeptes même parmi ses victimes… Nous brandir le carton d’appartenance ou de ressemblance au pouvoir à chaque fois qu’on veut réaliser un projet viable est une manipulation autrement plus abjecte que celles du pouvoir lui-même. D’autant plus abjecte, que nous ne réclamons aucun avantage, ni moral ni matériel pour notre action. Nous voulons juste aider, point – comme dirait John Coffee, dans Green Mile -.

Ne seriez-vous pas d’accord avec moi pour dire qu’un « Zaouali » injuste est pire qu’un chef d’État avec le même qualificatif? Le « Zaouali » injuste serait autrement pire que « Feraoun » avec le moindre soupçon de pouvoir. Avant de vendre nos idéaux de justice au pouvoir, commençons par les appliquer dans notre famille, avec notre conjointe et nos enfants, à notre travail avec nos collègues et dans le milieu communautaire avec nos compatriotes. Nous gagnerions certainement à comprendre la résistance du pouvoir à appliquer la justice parmi ses administrés.

Quand des « Zaouali » pratiquent l’injustice entre eux, avec une complaisance déconcertante, quand la justice n’a pas de valeur pour ceux qui en ont le plus besoin, quand la rhétorique de justice tue la justice, c’est que les despotes ont toutes les excuses pour nous trainer dans la boue.

Je conclurai par préciser mon idéal à moi de justice : « Et ne laissez point votre haine pour un peuple vous inciter à être injustes. Soyez justes ; cela est plus proche de la piété ».       

Un concept et une méthodologie  

Il est de la responsabilité de chaque scripteur de s’assurer de la signification des concepts qu’il utilise dans ses scripts. Il est aussi à sa charge de remplir toutes les conditions de la méthode de raisonnement choisie. Cette responsabilité découle du simple bon sens populaire : tourner 7 fois sa langue plutôt qu’une, avant de parler. La simple évocation du prétexte de la bonne intention et, ou du droit de parole ne saurait nous soustraire à notre responsabilité.

Dans ce qui nous intéresse, le concept de l’alternance a été évoqué à plusieurs reprises. Qu’en est-il de ce concept projeté sur le champ du travail communautaire ?

L’alternance ne peut être envisagée qu’en regard à un certain pouvoir. Pour faire simple, plus le pouvoir que détient un individu ou un groupe d’individus est grand et concentré, plus l’alternance sur ce pouvoir est souhaitable, voire obligatoire. Dans ce cas, l’alternance vient jouer son rôle nécessaire, mais non suffisant de garante de la démocratie. Ce n’est que comme garante de la démocratie au sein d’un groupe et dans les conditions citées précédemment que l’utilité de l’alternance est justifiée. C’est le cas des régimes politiques présidentiels à forte concentration de pouvoir, comme la France et la majorité de ses ex-colonies. C’est le cas aussi des états unis. Ce n’est pas le cas du canada ni du Québec.  Ceci pour vous dire que l’alternance n’est un principe immuable que pour les dogmatiques.

Revenons aux arguments avancés pour nous vendre la tautologie. Je dois noter une erreur très grave de méthodologie. Le raccourci simpliste qui a été utilisé pour nous convaincre de notre péché capital est le raisonnement par comparaison. Or, il me parait judicieux de préciser, comme disaient nos grands-mères, on ne peut comparer des pommes et des oignons.

Pour schématiser, opérer une comparaison, entre deux objets, en espérant tirer une quelconque conclusion crédible, nous oblige à respecter deux règles et pas moins : primo, nous devons porter une attention égale aux deux objets de la comparaison, deuxio, nous devons rapporter les objets comparés à un objet commun – cela veut dire la majeure partie des caractéristiques de chacun des objets comparés -. À titre d’exemple, on ne peut pas dire que l’être humain et les protozoaires ont une caractéristique commune qui est la cellule. Certes, elle est commune aux deux, mais elle ne nous permettra aucune conclusion, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Qu’est-ce qui différencie un président d’état d’un président d’association ? Tout, absolument tout. Sans rentrer dans les jeux de mots inutiles. Le président détient un pouvoir immense sur la vie de quelque 35 millions d’Algériens, il gère les biens communs qui se chiffrent en milliards de dollars, sans parler des avantages matériels et moraux que donne une telle fonction. Il a une armée qui peut faire mal sous ses ordres, il gère aussi une armée de fonctionnaires. Il a un pouvoir tellement immense. Le président du centre n’est même pas comparable à un président d’APC. C’est à la limite du risible.  Tous ceux qui ont activé la moindre minute dans le mouvement associatif vous le diront. Un président d’association n’a quasiment que des devoirs. Demandez à leurs familles, elles vous le diront. Devoirs d’être absents des évènements familiaux, devoirs de ne pas tenir ses promesses à ses enfants tellement il y a d’imprévues, devoir de subir la pression des masses exigeantes…

Ceux qui croient que les associations communautaires ou leur présidence sont une sorte de star académie pouvant servir de tremplin pour exprimer leurs talents, ils font fausse route. Je leur conseille d’investir dans le domaine professionnel, c’est autrement beaucoup plus rentable pour leurs besoins.

Pratico-pratique, beaucoup de regroupements non politiques ont survécu au dogme de l’alternance, pas pour son inutilité, mais pour sa non-pertinence à leurs groupes. Je citerai la ligue des noirs du Québec de Dan Philipp, les missionnaires de la charité de Mère Teresa et Emmaüs de L’abbé Pierre.

À suivre …


(*) Mohamed Dadi est membre et bénévole du CCA. Il est responsable de CCA-Professionnel qui s’occupe de l’aide à la recherche d’emplo.


Lire aussi :


Articles Liés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page