Élections municipales : Votez pour moi !
(L’ÂneRoi à l’hôtel de ville!)
(Partie II)
Mes convictions sous le bras, ma naïveté sur la face, j’ai décidé de me faire élire au conseil d’établissement que fréquente mon plus vieil ânon, alias âne-Prince. J’ai fait une vraie campagne. Il n’était pas question que je sois élu comme catalyseur à la réaction de l’équilibre ethnique. Il fallait que ça soit sur la base d’un programme politique. Comme campagne électorale, j’avais le droit de me présenter en deux minutes à l’assemblée générale des parents-électeurs. Ça m’a pris quinze minutes. Je n’ai rien oublié, un vrai programme. J’ai parlé de mon éducation, de mon implication communautaire. J’ai présenté le volet écologique de mon programme. J’ai donné mes solutions au décrochage scolaire. J’ai même attaqué le système privé de front : il était hors de question que l’argent ait un rôle déterminant au départ. Le système privé ne devrait pas être un choix de qualité, mais un choix de diversité. Celle-là, je ne la comprenais pas moi-même, mais elle a eu un effet dévastateur sur mes concurrents. Ils ont compris que cette année, ça sera l’année de l’âne.
J’ai alors siégé en mon âme et conscience comme dirait un ami. J’en ai beaucoup appris. C’est vrai qu’à ce stade, il s’agit plus d’une démocratie de consensus que celle d’une opposition. L’expérience était riche, mais pas très excitante. Je l’avoue, je n’ai pas tenu toutes mes promesses. J’aurai dû parler de rêves électoraux au lieu de promesses électorales. Mais bon, personne n’aurait voté pour un rêveur. Alors, je leur ai dit ce qu’ils voulaient entendre et tout le monde était content. Soyons sérieux, personne ne voterait pour quelqu’un qui s’engage pour du réaliste et du réalisable. Depuis que la communication est devenue un métier, nous autres politiciens, on n’a jamais été aussi faux. Là-dessus, tout le monde a embarqué.
J’ai alors commencé à explorer la politique municipale. Pour moi, c’était une porte d’entrée sur la vraie politique. Une politique où il y a des vrais partis et de la vraie opposition. Où du moins, c’est ce à quoi je m’attendais. Je volais très haut dans mes rêves de conquête d’un monde de concurrence loyale, d’opposition farouche et surtout d’intégrité au service du citoyen. Le moins que je puisse dire est, que le réveil fut rude.
Alors que l’échéance des municipales approchait, j’étais à choisir un parti pour offrir mon engagement, mon enthousiasme et ma détermination au changement. Ma seule devise était : ‘Meilleur qu’hier, pire que demain’. J’étais très chanceux dans ma malchance : je n’avais qu’à lire les manchettes pour me rendre compte, à quel point j’étais un âne –mais ça, je le savais -, mais surtout à quel point j’étais naïf. Il n’y avait pas un jour que Dieu faisait, où on ne découvrait pas une magouille, une crasse ou une arnaque. Plus on avançait, plus c’était laid : des fausses factures, des irrégularités dans l’octroi de contrats faramineux, des ristournes sur des contrats alloués et j’en passe des sales et des pas belles.
À ce stade, mon questionnement est existentiel : serais-je dans un paradis en déconfiture, étais-je dans un paradis en devenir? Les sociologues, les anthropologues, les historiens et les philosophes pourront certainement démêler tout ça. Les rapaces aussi.
En ce qui me concerne, j’ai décidé de ne pas m’impliquer dans cette foire à l’illusion. Je me propose en revanche de réformer le système. Il faut de l’audace et je n’en manque pas, en toute humilité. C’est vrai que la métaphore du paradis était un peu exagérée, mais rien ne m’empêche d’essayer de faire quelque chose de ma vie. Quelque chose d’autre que du collage d’étiquettes et de la classification universelle. Disons que si je ne regrettais pas mon passage sur terre, j’aurais atteint l’essentiel de mes objectifs. Le paradis ne pourra qu’en découler.
Mon projet est le suivant : créer un système politique parallèle au système existant, avec des vrais partis, des vraies personnes et des vrais programmes de rêve, financé par l’argent du contribuable. La seule différence qu’amène ce nouveau système, c’est la théorie de ‘l’imputabilité zéro’ et du ‘rêve en état de conscience’. Je ne demanderai aucun pouvoir en contrepartie. Je te donne du rêve en t’informant que c’est du rêve. Ma théorie repose sur le postulat que les citoyens ont un besoin inné du rêve. Les partis politiques qui adhéreront au ‘Dream politics’ auront l’exclusivité de la vente du rêve. Ils s’engageront à ne pas se prendre au sérieux et à ne briguer aucun mandat.
Nous avons besoin de nous accrocher au rêve d’une job meilleure, d’une maison meilleure… bref, d’un monde meilleur. Personne ne se donnerait la peine de se réveiller le matin, s’il avait la garantie d’une journée pourrie. C’est ainsi qu’on est fait, je propose juste de gérer cet aspect de nous. Mon objectif est d’éviter aux politiciens conventionnels ou aux politiciens épais de capitaliser sur le rêve pour avoir du vrai pouvoir. La contrepartie pour les épais, c’est qu’ils deviendront imputables totalement et en temps réel. Ils n’auront plus le droit de vendre du rêve sans risquer l’éjection. Leur responsabilité civile, morale et matérielle sera engagée au jour un de leur élection. Les modalités resteront à définir.
Pour nous autres utopistes ou tenants du Dream Politics, nous pourrons nous éclater avec nos folies à nos propres frais et sans servir de faire-valoir aux épais.
Ma première promesse électorale sera : le réseau d’eau de la ville sera doublé pour servir du ‘Selecto véritable’, gratuitement pour tout citoyen qui en fera la demande.
Ça vous paraît farfelu? Le parti Rhinocéros a déjà existé au Canada entre 1960 et 1995. Ma promesse … c’est du petit L’ben comparativement aux leurs.
Il commence à faire frette, couvrez-vous bien, faites attention aux virus de tout genre et de toutes les espèces. Et bonne votation municipale.
Votre humble serviteur, Âne-Roi